Créer des espaces dédiés aux personnes survivantes noires sur le campus

Rédigé par: Vatineh Magaji et Casandra Fullwood

Créer des espaces dédiés aux personnes survivantes noires peut être un excellent moyen de répondre aux besoins de la population étudiante noire puisque cela démontre votre compréhension de la survivance noire de même que votre engagement à leur offrir tout le respect qu’ils et elles méritent. Sur une base historique, les personnes racisées ont notamment subi de l’hypersexualisation et de la discrimination, qui ont chacune entraîné d’innombrables cas d’abus et de traumatismes dont les relents continuent de subsister dans notre culture occidentale actuelle. Les traumatismes intergénérationnels, combinés à la notion de suprématie blanche, ont créé un environnement dans lequel les Noirs et les Noires continuent d’être la cible de la violence sexiste et genrée, qu’ils et elles subissent à une prévalence plus élevée que les personnes blanches. Pour reconnaître ces réalités, il importe de créer des espaces dédiés aux personnes survivantes noires et axés sur leur guérison par le biais de pratiques et de structures qui sont extérieures aux systèmes qui leur causent du tort. Cela donne aux personnes survivantes noites la possibilité d’obtenir justice dans une optique de guérison et de recherche de paix intérieure plutôt que de répondre aux attentes traditionnellement établies en matière de réponse à la violence sexiste et genrée.

La première étape permettant de mener à la création d’espaces inclusifs et représentatifs est de procéder à l’embauche de personnes noires à des postes qui ont pour fonction de prévenir et contrer la violence genrée de même que de soutenir les personnes survivantes dans leur processus de guérison. Lorsque les personnes survivantes noires entrent en contact avec des personnes ressources noires, on crée un espace dans lequel on partage une compréhension commune de la question des microagressions et des nuances que peuvent apporter le fait d’appartenir à une communauté racisée dans le processus de recherche de justice. Cela permet aux personnes survivantes d’être elles-mêmes et d’éviter la crainte d’être jugées ou stéréotypées. Il leur est donc possible de se concentrer uniquement sur leur processus de guérison personnel. De plus, il existe un potentiel d’expérience partagée en matière de traumatismes intergénérationnels entre la personne survivante et la personne ressource. Lorsque c’est le cas, cela contribue à une compréhension mutuelle plus profonde qui peut aider les personnes survivantes dans leur recherche de soutien. Toutefois, puisque l’embauche de nouvelles ressources n’est pas toujours possible, voici quelques alternatives à considérer :

  • Créer des stages ou des postes étudiants pour la communauté étudiante noire.

  • Soutenir les groupes d’étudiants Noirs et d’étudiantes Noires qui existent déjà sur le campus en leur octroyant des ressources et la latitude nécessaire pour réaliser leur mission et rejoindre une plus grande audience sur le campus.

  • Envisager la création de partenariats avec des institutions à proximité de la vôtre qui peuvent avoir développé un programme centré sur la survivance noire. Vous pourriez y référer des personnes ou tenter de mettre en place ce programme au sein de votre établissement.

Lorsque l’on considère les structures qui sont déjà en place pour offrir du soutien aux personnes survivantes, on peut chercher à y intégrer certains des principes fondamentaux associés aux mesures de justice alternatives ou transformatrices. Ces ajustements peuvent permettre d’offrir un espace plus accueillant pour ceux et celles qui craignent les voies plus traditionnelles dans la recherche de justice. On pense notamment aux éléments suivants :

  • Organiser des rencontres informelles au sein de la communauté.

  • Ajouter des séances de soins Reiki à sa programmation.

  • Planifier des séances de guérison par le biais du yoga ou du mouvement.

  • Pour avoir plus d’informations, n’hésitez pas à consulter notre webinaire [en anglais] portant sur le sujet. L’enregistrement et la transcription sont disponibles ici.

La première chose à faire pour créer de tels espaces est de s’assurer que toutes les personnes impliquées dans la stratégie de prévention et d’intervention face à la violence genrée ont reçu une formation approfondie abordant les compétences culturelle et permettant de comprendre la survivance noire ainsi que ce qui distingue les personnes survivantes noires des autres. Cela augmente les chances qu’au moment où une personne survivante noire révèle certaines des nuances potentielles associées à ce qu’elle a vécu, la personne à qui elle se confie détienne déjà une certaine compréhension de l’expérience rapportée. Dans le même ordre d’idée, on peut créer un environnement de respect mutuel en informant les personnes survivantes des mesures prises pour réduire le déséquilibre de pouvoir entre celles-ci et les ressources de soutien. Il s’agit d’une étape importante pour créer et maintenir la confiance. Afin d’éviter de placer des personnes noires en position d’éducation ou d’apaisement face aux personnes blanches et à leur égo, on peut reconnaître d’avance qu’il est possible que des erreurs soient commises et annoncer d’office que celles-ci seront corrigées. Enfin, on doit chercher à éliminer les préjugés qui peuvent exister face aux méthodes alternatives de guérison afin de permettre aux personnes survivantes d’explorer toutes les options qui s’offrent à elles sans subir de pression. Il importe de se rappeler des subtilités de l’expérience des personnes noires et d’éviter toute généralisation associant le fait d’être Noir ou Noire à la notion de traumatisme. Malgré tout, il est possible de reconnaître le potentiel d’existence de tels traumatismes et de présenter l’ensemble des voies qui peuvent conduire une personne survivante à obtenir justice, que celles-ci soient traditionnelles ou non.

Lorsque vous vous engagez dans le processus de création d’espaces dédiés aux personnes survivantes noires de même que dans la mise en place de méthodes de soutien alternatives, il faut vous rappeler qu’aucune de ces « nouvelles » façons de faire n’existerait sans l’apport et la contribution des communauté ayant contribué à les développer. Les traumatismes intergénérationnels doivent tout autant être reconnus que la résilience des générations précédentes. Les communautés noires ont survécu et se sont soutenues par elles-mêmes depuis la nuit des temps et c’est grâce à leur travail que nous pouvons offrir des ateliers, des cours et des programmes qui en sont inspirés aux personnes survivantes noires sur nos campus, alors que celles-ci font face aux traumatismes liés à la violence genrée à l’ère moderne.

__________

Référence suggérée : Fullwood, Casandra et Magaji, Vatineh. (Novembre 2020). Créer des espaces dédiés aux personnes survivantes noires sur le campus. Le courage d’agir. www.couragetoact.ca/blog/espaces-dedies-aux-personnes-survivantes-noires

Casandra Fullwood

Casandra Fullwood est une femme afro-caribéenne née à Scarborough et résidant actuellement à Tkaronto. Son féminisme est largement orienté sur les communautés noires qui vivent des sentiments d’insécurité corporelle et de manque d’autonomie au sein de la société blanche. Casandra est la fondatrice de We Heal Together, un espace de guérison communautaire et collective dédié aux personnes survivantes noires. Elle poursuit actuellement ses études dans le programme d’arts et d’études contemporaines de l'Université Ryerson. Dans ses temps libres, Casandra aime écouter L’île de l’amour et créer des œuvres qui mettent l’accent sur l’intimité noire et l’amour Zami.

Vatineh Magaji

Vatineh Magaji est originaire de Thompson, au Manitoba (sur le territoire du traité no. 5) et réside actuellement à Winnipeg (sur le territoire du traité no. 1). Elle a complété un baccalauréat en génétique à l'Université du Manitoba et a été élue pour deux mandats (2018-2020) à titre de présidente de Justice for Women Manitoba, un groupe étudiant qui cherche à prévenir et contrer la violence genrée au sein du campus et de la communauté de manière générale. Elle poursuit son travail militant en s’engageant au sein de la communauté de pratique étudiante du Courage d’agir, par l’intermédiaire du comité consultatif jeunes de REES et à travers différents rôles à la Women’s Health Clinic.