Loi P-22.1 : Une histoire de résistance face aux violences sexuelles

Loi P-22.1 : Une histoire de résistance face aux violences sexuelles

Rédigé par : Mélanie Lemay, cofondatrice de Québec contre les violences sexuelles et membre de la communauté de pratique francophone du Courage d’agir

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Ce texte a été rédigé par l’une des membres de notre communauté de pratique francophone dans le cadre du 3e anniversaire marquant l’adoption de la Loi québécoise visant à prévenir et à combattre les violences à caractère sexuel dans les établissements d’enseignement supérieur.

Le processus ayant mené à l’adoption de la Loi P-22.1 - Loi visant à prévenir et à combattre les violences à caractère sexuel dans les établissements d’enseignement supérieur - fut complexe, mais nous avions rendez-vous avec l’histoire. En moins d’un an, notre idée a percée l’espace public et fut reprise avec succès par le gouvernement du Québec, avec du financement à la clé.

Rare sont les mobilisations qui obtiennent tant d’attention et d’écoute de la part de la société civile, alors nous ne pouvons qu’être touchées par l’élan de solidarité que cela représente en soit. Néanmoins, trois plus tard, les résultats sur le terrain demeurent mitigés.

Des résultats mitigés

Plutôt qu’une ligne d’arrivée, nous aurions souhaité que cette loi soit un point de départ pour davantage de prévention et de sensibilisation à la violence sexuelle en milieu postsecondaire. Nous aurions souhaité qu’elle ouvre la voie pour les écoles primaires et secondaires et surtout, qu’elle puisse marquer le début d’une prise de conscience collective face à la survivance ainsi que la force qui y réside.

À la place, nos voix sont régulièrement effacées et il existe encore des contrats de confidentialité qui les scellent derrière des murs de silence. Certaines institutions ont créé des processus hybrides de la justice criminelle et civile et accordent une place démesurée à la vie privé et à la confidentialité des « accusés » en plus d’avoir adopté des processus de plainte dont l’essence est revictimisante, car elle y reproduit les rapports de pouvoir déjà existants entre les parties. La liberté d’expression ou encore le droit à la sécurité des personnes qui fréquentent l’établissement sont trop souvent effacés et les dévoilements demeurent truffés d’obstacles dans les établissements qui ont préconisé cette posture. 

La parole qui nourrit l’espoir

Certes, il y a de l’espoir. Les prises de paroles publiques qui ont mené à la dénonciation de plusieurs agresseurs sur nos campus (et ailleurs) témoignent que nous ne sommes plus dupes et qu’une solidarité s’est créée entre nous pour ne plus taire la complicité de la société dans la reproduction des violences sexuelles. Une quantité exceptionnelle de professionnel.les contribuent quotidiennement au développement des connaissances et notre expertise rayonne partout à travers le pays ainsi qu’à l’international.

De nouvelles voix s’élèvent et des décisions en notre faveur commencent enfin à émerger, comme en témoigne le cas de notre cofondatrice, Kimberley Marin. En 2016, celle-ci a déposé une plainte à la Commission des droits de la personne afin d’obtenir gain de cause face à son université qui l’a discriminée en ridiculisant son dévoilement. Près de quatre ans plus tard, la Commission a tranché : la manière dont l’établissement d’enseignement a géré son dévoilement constitue une forme de discrimination systémique. À noter que toute personne vivant au Canada peut utiliser ce mécanisme pour porter plainte auprès de l’organisme qui légifère au sujet des droits de la personne dans sa province, et ce, peu importe qu’une loi telle que la loi P-22.1 soit en place ou non.

Quelque chose d’indestructible est né de ce mouvement, mais la tentation est forte de tout laisser aller puisque l’énergie requise pour maintenir l’attention sur cet enjeu est titanesque. Il y a donc un devoir de mémoire et, surtout, nous devons nous assurer de garder le cap sur les raisons qui justifient cette loi.

Nous le devons aux prochaines générations. Autrement, iels feront face aux mêmes obstacles systémiques que nous. Cela nous priverait du même coup de l’immense potentiel qui réside dans le momentum actuel. En effet, nous sommes à l’aube d’une révolution sexuelle et le travail n’est pas terminé. Il ne fait que commencer.

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Référence suggérée : Lemay, Mélanie (2021, Janvier). Loi P-22.1 : Une histoire de résistance face aux violences sexuelles. Le courage d’agir. www.couragetoact.ca/blog/loi-p-221-une-histoire-de-resistance

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Mélanie Lemay

Au niveau professionnel, Mélanie a milité afin de faire valoir les droits des personnes victimes/survivantes de violences à caractère sexuel. Dans la foulée de son passage à l’émission « Tout le monde en parle », elle a cofondé le mouvement « Québec contre les violences sexuelles » avec Ariane Litalien et Kimberley Marin. En moins d’un an, elles ont réalisé l’impossible en démocratisant le terme « culture du viol » au Québec en plus d’influencer le gouvernement à se pencher sur la création d’une loi-cadre dans les institutions postsecondaires au Québec.

 Elle est aussi très familière avec le mouvement #MeToo puisqu’elle a raconté son histoire publiquement ce qui lui a valu plusieurs invitations à des événements d’envergure internationale. Elle a également créé et organisé un colloque scientifique intitulé « Justice à l’ère du #MoiAussi » qui lui a valu l’invitation à venir témoigner, en tant qu’experte-survivante, au «Comité d’experts sur l’accompagnement des personnes victimes d’agressions sexuelles et de violence conjugale» formé par le gouvernement du Québec.