Violence sexuelle au postsecondaire : quel rôle les employé.es peuvent-iels jouer ?

Par : Noémie Veilleux

Vous êtes employé.e d’une université ou d’un cégep et vous entendez de plus en plus parler de lutte contre les violences sexuelles dans votre milieu de travail ? Vous ne savez pas par où commencer pour vous familiariser avec le sujet et vous souhaitez mieux comprendre votre rôle ? 

Cet article est pour vous. 

Je comprends que votre première interrogation, lorsque vous passez devant le bureau d’intervention en matière de violence sexuelle de votre établissement, soit : « Est-ce réellement un problème ? ». Il est normal de se poser une telle question. La réponse, et je vous l’offre sur un plateau doré, est OUI. Absolument. Une enquête québécoise menée en 2016 dans les universités montre que 36% des étudiant.es universitaires ont vécu au moins une forme de violence à caractère sexuel depuis leur arrivée à l’université [1]. Pour le collégial, 45% des femmes étudiantes et employées ont subi des gestes de violence sexuelle commis par un autre individu du cégep depuis leur arrivée dans l’établissement. Contrairement à ce qu’on peut bien penser, ces événements n’arrivent pas que dans les moments festifs. La majorité des gestes de violence sexuelle sont commis sur les campus, pendant les activités d’études ou de travail [2].

Convaincu.e ?

Ça ne s’arrête pas là : une étude menée au collégial soutient que neuf personnes sur dix déclarent n’avoir jamais rapporté la situation à leur institution. Cette absence de signalement peut s’expliquer par une crainte de représailles, une peur d’être blâmé.e, une peur de ne pas être crue ou un manque de confiance envers l’institution d’enseignement [3]. Pour couronner le tout, certaines victimes n’ont jamais rapporté la situation puisqu’elles s’en croyaient responsables. 

C’est ici que votre travail commence. Votre responsabilité, en tant qu’employé.e de l’établissement d’enseignement , est de développer vos connaissances sur les violences sexuelles et de contribuer aux efforts de prévention. Ne vous inquiétez pas, il n’est pas nécessaire de devenir un.e expert.e sur le sujet : certaines personnes dans votre institution ont cette expertise et il est important que vous les connaissiez.

Comme employé.e, vous faites partie d’un large écosystème. Pour se diriger vers des changements positifs, il faut que la communauté entière soit engagée. Dans votre milieu, il est important de bien comprendre les structures de soutien mises en place et à votre disposition afin de pouvoir aider, à votre tour, les personnes victimes. « Que puis-je faire pour soutenir le travail de prévention ? », me glissez-vous à l’oreille. 

1) Connaître les ressources et savoir où référer les personnes qui effectuent un dévoilement ou qui ont subi une violence sexuelle

Votre cégep ou université a engagé une équipe dont le travail est dédié à la prévention et l’intervention en matière de violence sexuelle. Connaissez leurs noms et leur emplacement dans l’établissement. Cette équipe peine souvent à être visible de la communauté étudiante et le simple fait de détenir l’information nécessaire pour référer une personne vers les ressources adéquates peut changer son histoire.

2) Favoriser une collaboration des différent.es professionnel.les de l'université et comprendre que toustes les employé.es ont un rôle de soutien à jouer

En tant que personnel ressource, peu importe votre spécialisation, vous pourriez avoir à rediriger ou développer une collaboration avec le bureau d’intervention de votre établissement. Sachant cela, adopter une attitude et des comportements qui favorisent la collaboration avec les autres professionnel.les peut faciliter la trajectoire d’un.e étudiant.e qui vous dévoile avoir subi de la violence sexuelle.

3) Contribuer à la création d'un milieu d'enseignement inclusif, respectueux et sécuritaire

Alors que plusieurs communautés sont moins à risque de dévoiler un geste de violence, il est possible que certaines tranches de la population étudiante nécessitent une attention particulière dans les activités de prévention. Selon les études, ces personnes sont : celles qui sont plus jeunes, les femmes racisées, les personnes en situation de handicap et les personnes de la diversité sexuelle et de genre. En ce sens, n’hésitez pas à faire rayonner les activités de prévention offertes par l’équipe d’intervention de votre établissement. Ces ateliers peuvent faire la différence.

Par dessus tout, le plus important est de croire la personne qui dévoile avoir subi de la violence sexuelle. Toujours. C’est grâce à cet accueil bienveillant que d’autres trouveront peut-être le courage de dénoncer les gestes violents commis à leur endroit.


Références

[1] Bergeron, M. & Al. (2016). Violences sexuelles en milieu universitaire au Québec : Rapport de recherche de l’enquête ESSIMU. Chaire de recherche sur les violences sexistes et sexuelles en milieu d’enseignement supérieur. 

[2] Bergeron, M., Gagnon, A., Blackburn, M.-È., M-Lavoie, D., Paré, C., Roy, S., Szabo, A., et Bourget, C. (2020). Rapport de recherche de l’enquête PIECES : Violences sexuelles en milieu collégial au Québec. Chaire de recherche sur les violences sexistes et sexuelles en milieu d’enseignement supérieur, Université du Québec à Montréal, Montréal, Québec.

[3] Holland, K. J., & Cortina, L. M. (2017). “It happens to girls all the time”: Examining sexual  assault survivors’ reasons for not using campus supports. American journal of community psychology, 59(1-2), 50-64. https://doi.org/10.1002/ajcp.12126

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Référence suggérée : Veilleux, Noémie (2023, janvier). Violence sexuelle au postsecondaire : quel rôle les employé.es peuvent-iels jouer ?. Le courage d’agir. www.couragetoact.ca/blog/VACS-employes

Noémie Veilleux (elle)

Noémie est assistante de recherche du projet Le harcèlement sexuel en contexte d’apprentissage expérientiel, coordonnatrice des activités francophones du projet Le courage d’agir et étudiante au baccalauréat en sexologie à l'Université du Québec à Montréal. Anciennement leader étudiante nationale, elle a œuvré à la lutte et à la prévention des violences sexuelles en milieu d'enseignement supérieur par ses diverses implications au sein d'organismes, de tables intersectorielles et de comités de recherche. Noémie a contribué au déploiement et à la révision de la stratégie du gouvernement du Québec visant à contrer les violences sexistes et sexuelles. Elle travaille au sein de la Chaire de recherche sur les violences sexistes et sexuelles en milieu d'enseignement supérieur et offre des formations sur les violences genrées en milieu d’enseignement. Noémie vit et travaille à Tiotiá:ke (Montréal), historiquement connu comme lieu de rassemblement pour de nombreux peuples des premières nations.